Delf - La Malédiction

Chapitre 2.

Deuxième jour.

C'est une sonnerie qui le réveilla. Sans ouvrir les yeux, Jim tendit la main hors du lit et frappa son réveil à plusieurs reprises. Mais la sonnerie ne s'arrêtait toujours pas. C'est alors qu'il comprit que c'était son téléphone portable qui l'avait réveillé. Il s'assit sur son lit, et tout en se frottant les yeux d'une main pour effacer les dernières brumes du sommeil, il saisit son portable posé sur la table près de lui. 8 heures du matin. Un samedi. "Qui que vous soyez, j'espère que vous avez une bonne raison de gâcher ma première vraie longue nuit de sommeil depuis longtemps." pensait Ellison quand il décrocha.

"Oui, allô?"

"Jim? Il faut que tu fiches le camp d'ici tout de suite, c'est très important!"

"… Rafe? C'est toi? Tu pourrais être plus clair, qu'est-ce que c'est que cette histoire?"

Ellison était tout à fait réveillé maintenant. Même à travers la communication téléphonique, il pouvait sentir l'angoisse de son collègue. Celui-ci parlait à voix basse, comme pour ne pas être entendu des gens qui l'entouraient, et en augmentant son audition de sentinelle Jim pouvait entendre son cœur qui allait un peu plus vite que d'habitude. Et de la part de Rafe, une telle perte de sang-froid était suffisamment inquiétante pour être prise au sérieux.

"Ecoute, je n'ai pas le temps de tout t'expliquer, mais le FBI est ici, ils ont emmené Banks et sont partis pour te chercher. Il ne faut surtout pas que tu te laisses arrêter avant qu'on n'ait pu régler tout ça!"

"Mais… Pourquoi? Pourquoi ont-ils arrêté Simon, et qu'est-ce que j'ai à voir dans cette affaire?"

"Conner m'a expliqué qu'ils avaient découvert tes… heu… pouvoirs, et ils veulent t'emmener à Washington. Ecoute, je n'ai pas tout compris, mais elle m'a demandé de te prévenir, elle n'a pas eu le temps de m'en dire plus, ils sont en train de l'interroger. Jim, je ne sais pas exactement de quoi il retourne, mais ça a l'air grave…"

"Ok, merci Rafe, je vais voir ce que je peux faire."

"Bonne chance, Jim."

Quand il raccrocha, Jim était encore sous le choc de ce qu'il venait d'apprendre. Ainsi le FBI avait mené une enquête sur lui, et maintenant ses amis étaient arrêtés… Il ne comprenait pas encore tout, mais il fallait avant tout suivre le conseil de Megan et disparaître.

En quelques instants il était habillé et alla réveiller Blair à l'étage inférieur.

"Debout, Blair, dépêche-toi. On a un gros problème."

D'ordinaire le jeune homme avait du mal à se lever si tôt un jour de repos, mais le ton inquiet de son ami suffit à le ramener à la réalité.

"Que se passe-t-il, Jim?"

"Je n'en sais encore rien, mais le FBI est en train d'interroger les gars du commissariat au sujet de mes pouvoirs, et ils vont débarquer ici très bientôt, alors on se tire au plus vite."

"On… s'enfuit?"

"Disons qu'on prend un peu le temps de réfléchir avant de s'engager dans des explications officielles. Une objection?"

Voir la façon dont un flic justifiait un manquement à la loi le fit sourire, mais Sandburg ne perdit pas une seconde à discuter et se prépara aussi vite que possible.

Dès l'annonce du danger, la sentinelle avait mis tous ses sens en alerte. C'est ainsi qu'il entendit deux voitures s'arrêter en bas de l'immeuble et plusieurs personnes en descendre.

"Ils viennent d'entrer dans le hall. On sort par derrière."

"Tu ne crois pas qu'ils y auront posté quelqu'un?"

Jim ouvrit la porte donnant sur l'escalier métallique de l'immeuble.

"Pas encore. Si tous sont arrivés en même temps, il leur faudra un peu plus de temps pour contourner le bâtiment."

Ils refermèrent la porte derrière eux et descendirent les marches quatre à quatre. Quelques instants plus tard, ils étaient entrés dans la première rue derrière leur bâtiment. Au même moment, un agent du FBI, en civil mais armé, se postait au bas des marches que Jim et Blair venaient de quitter. Mais comme ceux-ci étaient déjà loin, il ne put les voir.

Personne ne répondant à ses coups à la porte, l'agent Mulder du FBI enfonça la porte du loft. L'arme au poing, il scrutait attentivement la pièce autour de lui dans l'espoir de découvrir l'homme qu'il était venu interpeller, pendant que les quatre personnes qui l'accompagnaient exploraient le reste du loft. Sans succès. Les trois agents attendirent alors les consignes de leurs superviseurs, Mulder et sa coéquipière Scully.

"Ils sont sans doute absents pour le week-end, on doit pouvoir trouver où ils osnt allés."

"Non, Scully, je crois plutôt que quelqu'un a prévenu Ellison de notre arrivée. Sans doute un de ses collègues du commissariat. Il peut être n'importe où à présent!"

Jim n'entendit pas la fin de la conversation. Il avait gardé son attention sur les occupants du loft depuis leur départ en catastrophe, mais maintenant la distance était trop grande. Il se refocalisa sur Blair qui le surveillait de près et lui résuma la situation:

"Ils ne nous ont pas vus partir, on est donc tranquilles pur l'instant. Mais impossible de retourner au loft ni au commissariat, on ne peut pas non plus aller chercher une de nos voitures ni aller voir Simon ou qui que ce soit. Ils doivent tout surveiller…"

Les yeux de Blair s'illuminèrent soudain quand il fut traversé d'une idée géniale.

"Tu te souviens de Tatiana, cette fille qui bosse au département littérature de l'université?"

"Non, grand chef, pas question de mêler ta dernière conquête à tout ça. C'est trop risqué de lui faire confiance, et ce serait surtout trop dangereux pour elle. Oublie ça tout de suite."

"Tu n'y es pas du tout, écoute-moi. D'abord, je ne sors plus avec elle depuis un moment, mais là n'est pas le problème. Elle est partie passer quinze jours de vacances à Paris chez sa mère et m'a confié ses clés pour que j'aille arroser ses plantes le soir après les cours. Je n'ai pas eu le cœur de lui refuser ce service…"

"On pourrait donc utiliser son appartement un jour ou deux en attendant de trouver une solution…"

"Heu, pas exactement. Pour l'instant, elle loue une chambre d'étudiant, et je nous vois mal passer ne serait-ce que deux jours dans 10 mètres carrés envahis de ficcus et de bonsaïs…"

"Et bien alors, qu'est-ce que tu proposes?" demanda Jim, un peu agacé par la manie qu'avait son partenaire de tourner autour du pot même dans les moments les plus graves.

"Je ne pensais pas à son appartement mais à sa voiture. Comme elle ne pouvait pas l'emmener, elle m'en a également confié les clés, en cas de pépin. On peut donc aller où on veut sans attirer l'attention de qui que ce soit!"

Jim réfléchit un instant. Ils ne pouvaient aller nulle part en ville car tous les endroits où ils étaient susceptibles de se rendre pouvaient être surveillés. Les gares, les hôtels et les loueurs de voiture laissaient trop d'indices. La solution de Blair était idéale, le FBI n'étant certainement pas au courant de cet arrangement amical. Le côté Casanova de Sandburg leur était finalement d'une grande utilité. Jim sourit et donna son approbation:

"Elle est garée loin d'ici?"

Pour ne pas être en reste devant l'ingéniosité de son camarade de fuite, Jim trouva le lieu idéal pour se cacher: la cabane qu'avait loué Simon pour son week-end. Il ne l'utiliserait certainement pas, et omettrait très certainement d'expliquer ses plans pour le week-end aux enquêteurs fédéraux. La cabane au bord du lac était donc louée pour deux jours et personne n'en saurait rien. Rien de plus simple que d'y entrer en forçant une fenêtre, ils n'en étaient plus à une illégalité près, et de s'y installer.

La cabane n'étant pas équipée d'électricité, Jim et Blair se servirent de l'autoradio de la petite voiture pour écouter les nouvelles. On ne parlait pas encore d'eux, mais les informations étaient tout de même intéressantes:

"Le capitaine de la police criminelle de Cascade, Simon Banks, a été aujourd'hui démis de ses fonctions. Une enquête fédérale, commencée il y a de cela plusieurs mois, a révélé qu'il falsifiait ses rapports et dissimulait des informations d'importance capitale dans le but de se protéger et de couvrir ses hommes. L'enquête suit son cours pour démasquer les autres actions frauduleuses qui gangrènent notre police."

Jim était atterré par la nouvelle:

"Je ne comprends pas, Simon est le flic le plus intègre que je connaisse, qu'est-ce qu'ils peuvent bien lui reprocher? Dissimuler des informations capitales?"

"N'oublie pas ce que t'a dit Rafe: ils l'accusent certainement d'avoir gardé tes pouvoirs sensoriels secrets. Je trouve pourtant leur sanction plutôt exagérée…"

"C'est sans doute pour m'obliger à me rendre. Il savent que Simon est mon ami, et que j'accepterai de les suivre en échange de l'annulation de ce renvoi absurde."

"Ah, c'est vraiment n'importe quoi. S'ils savaient pour toi depuis plusieurs mois, qu'est-ce qui leur a pris de débarquer si soudainement?"

"Ils devaient m'observer depuis quelque temps, et ont eu la preuve de leurs soupçons pendant que je traquais Fulkerson. J'imagine que je n'ai pas été très discret. Ils sont immédiatement allés me chercher au commissariat, sans savoir que j'avais pris ma journée à la fin de l'enquête."

"Quels bourrins ces feds. Il y avait plus simple et plus efficace comme méthode que de foncer dans le tas dès qu'ils ont les preuves!"

"Ne te plains pas, c'est ce qui nous a permis de nous échapper."

"Je ne me plains pas… mais qu'est-ce qu'on va faire maintenant? On a perdu énormément de temps à éviter les barrages routiers, même si tu pouvais les repérer de loin, et plus on perd de temps, plus nos amis auront de problèmes."

"Je sais tout ça, grand chef, je sais. Mais je ne vois pas comment nier la vérité, surtout s'ils ont des preuves que j'utilise mes sens de façon anormale. Il va sans doute falloir que je me rende. De toute façon, je n'ai rien fait de mal, qu'est-ce que je risque?"

"Tu risques d'être étudié génétiquement dans un laboratoire top secret du gouvernement par des scientifiques beaucoup moins sympas que moi qui te feront passer des tests toute la journée."

"Argh."

"Comme tu dis."

"En tout cas, je ne peux pas les laisser s'en prendre à la carrière de Simon pour mon confort personnel. J'irai les voir demain. A moins qu'on ne trouve un plan génial pour nous tirer d'affaire…"

Blair avait l'air dubitatif. Il n'arrivait pas à accepter l'idée que leur secret était brisé et que son sujet d'étude mais surtout ami allait être emmené et étudié comme une anomalie de la nature, mais il ne voyait pas de solution.

"Sans savoir ce qu'ils ont comme preuves et ce qu'ils se contentent de supposer, on aura du mal à les contrer." se désola l'anthropologiste. "Mais je suis sûr que Simon, Megan et les autres vont tout faire pour résoudre ce problème!"

"Espérons-le. Demain matin je descendrai en ville pour que le portable fonctionne, Simon ou Megan auront certainement appelé. Sinon, je retournerai à Cascade."

"Non! Je suis certain qu'on va trouver un autre moyen! Laisse moi le temps de trouver une explication plausible à leur fournir pour tout expliquer et ils te laisseront tranquille!"

"On verra…"

Deuxième nuit.

Jim pensait qu'il ne pourrait pas dormir cette nuit à cause des derniers événements. Mais voir Sandburg endormi dans le lit qu'il s'était choisi lui fit sentir toute la fatigue qu'il avait besoin d'évacuer. Il se força à fermer les yeux et à se calmer grâce aux exercices de respiration que lui avait enseignés son guide, et avant même de s'en rendre compte…

… il se retrouva à nouveau dans la jungle. Encore une visite du monde spirituel pendant son sommeil. Il se rendit alors compte qu'il avait complètement oublié d'en parler à Blair.

"Peut-être que ce rêve voulait me prévenir de ce qui allait se produire. Peut-être vais-je trouver une solution grâce à mon animal spirituel…"

Même en pensant cela, Jim ne débordait pas d'optimisme. Il voyait mal ce qu'il pourrait apprendre dans un rêve. Mais malgré son caractère pragmatique, il avait appris à accepter ses visions du monde spirituel, après tout c'était grâce à l'une d'elle qu'il avait pu sauver la vie de Blair un jour près d'une fontaine. Il observait donc attentivement tout ce qui se passait autour de lui. Si Incacha ne venait pas lui parler, il pourrait toujours tenter de comprendre ses visions avec l'aide de Blair le lendemain.

En attendant, il était revenu au même endroit que la dernière fois: la panthère était toujours là, allongée et immobile. Il s'approcha doucement et s'accroupit à côté d'elle. L'animal ne réagit pas et continuait de dormir paisiblement. Jim était à la fois intrigué et agacé par cette indifférence: venir dans le monde spirituel pour regarder son guide spirituel dormir était une vraie perte de temps, et ça ne l'aiderait pas à résoudre ses problèmes! Il tendit donc la main doucement vers le museau de la panthère pour essayer de la réveiller…

Mais son geste fut interrompu quand un oiseau surgit juste devant lui. Pendant un court instant Jim ne vit que des plumes noires qui battaient devant ses yeux et il ressentit soudain une vive douleur à la main. L'oiseau l'avait violemment pincé avec son bec. Ellison recula instinctivement et se retrouva assis au sol en train de regarder un filet de sang couler le long de sa main. Entre lui et sa panthère se tenait maintenant debout un corbeau.

"Le même que j'ai entendu la dernière fois, j'en suis sûr." L'oiseau le regardait fixement, semblant déterminé à l'attaquer encore à la moindre occasion. Jim se demandait ce qu'il devait faire. Dans le monde réel, il ne se laisserait pas embêter une seconde de plus par un oiseau de mauvais augure, mais ici il n'était pas dans le monde réel, et il devait essayer de comprendre le sens de tout ceci avant d'agir. Le corbeau l'avait-il attaqué par méchanceté ou pour le prévenir que toucher la panthère était dangereux? La sentinelle ne savait plus du tout que penser.

Un nouveau bruit le sortit de ses pensées. Il entendait un animal entre les arbres. Un animal à quatre pattes, qui courait, et qui s'approchait. Jim se releva pour voir le nouvel arrivant. Il ne pouvait s'empêcher d'espérer reconnaître enfin un symbole connu, tellement il se sentait perdu dans ce rêve étrange. Peut-être une autre panthère noire, mais celle-là bien réveillée? Ou le loup qui représentait Blair? Même retrouver le jaguar d'Alex serait préférable à ce total non-sens. L'animal n'était plus qu'à quelques mètres.

suite...