Jim n'eut pas le temps d'aller au bout de sa vision car l'approche d'un véhicule le réveilla soudainement. Tout en sortant de son lit, il s'aperçut que le soleil était déjà levé. Il avait finalement dormi, et même longtemps, ce qui l'étonna un peu. Il eut à peine le temps de réveiller Blair que le 4x4 qu'il avait entendu s'engagea dans le sentier menant à la cabane. Il devenait impossible de s'enfuir.
"Jim? Qu'est-ce qu'on fait si c'est le FBI qui vient nous chercher?" demanda Blair qui s'était approché de la fenêtre et voyait à son tour la voiture qui venait vers eux.
"On ne fait rien. On n'est pas censés savoir qu'ils nous cherchaient. De toute façon, j'avais décidé de rentrer à Cascade, alors ça revient au même."
Jim semblait résigné, mais il était également décidé à défendre ses amis: ni Blair, ni Simon, ni qui que ce soit d'autre ne devait avoir d'ennuis à cause de lui. Il ferait tout ce qui lui serait possible pour que Simon retrouve son poste.
La voiture s'arrêta devant la cabane. Blair sursauta quand ses occupants en descendirent: "Mais c'est Simon!" s'exclama-t-il en allant ouvrir la porte. Banks était venu avec un homme que ni Jim ni Blair n'avaient jamais vu. Il était assez grand, plutôt jeune, et portait un long imperméable. Dès que Jim et Blair furent sortis de la cabane pour les accueillir, il prit la parole avant même qu'ils puissent échanger le moindre mot avec Simon:
"Agent Mulder, du FBI." Dit-il en guise de présentation, tout en leur montrant brièvement sa carte officielle. Jim reconnut la voix d'un de ceux qui avaient investi le loft après leur départ précipité.
"Vous êtes bien James Ellison et Blair Sandburg?"
"Oui, c'est bien nous." Lui répondit Jim tout en lui rendant son regard scrutateur.
"Nous avons besoin de vous. Fulkerson s'est évadé ce matin."
"Quoi?" s'exclama Blair. "Mais ce n'est pas possible, comment a-t-il fait?"
"Ca, nous n'en savons fichtre rien." Simon commença à leur expliquer la situation. "Aucun des policiers de garde près des cellules ne se souvient de quoi que ce soit, ils n'ont aucun souvenir de ce qui s'est passé entre 7 heures et 7 heures 20 du matin. Toujours est-il que sa cellule était vide, et on n'a vu personne quitter le bâtiment. Personne n'y comprend rien."
"Il les a peut-être tous hypnotisés, je n'ai encore jamais rencontré un cas tel que celui-ci depuis Tooms…" Mulder, les yeux dans le vague, semblait passionné par cette disparition inexpliquée. Simon l'ignora et continua son récit:
"Toujours est-il qu'il a laissé un message: 'Amuse-toi bien Ellison'. On a immédiatement essayé de te joindre, et lorsque ces messieurs du FBI ont finalement décidé de me mettre au courant, je leur ai suggéré l'idée que vous aviez pu venir me voir ici…"
Le regard que le fédéral échangea avec Simon pendant quelques instants en disait long sur ce que chacun reprochait à l'autre, mais l'affaire de la dissimulation des pouvoirs d'Ellison devait pour l'instant passer au second plan, et les deux hommes le savaient. Pour le moment, Simon était rétabli dans ses fonctions le temps de retrouver son prisonnier évadé, le FBI avait retrouvé la sentinelle qu'il avait perdu la veille, et ils devaient se contenter de cela.
L'agent du FBI termina de mettre l'inspecteur au courant de l'affaire dont il était encore responsable:
"Votre rapport n'étant pas encore disponible, vous êtes le seul à connaître suffisamment l'affaire Fulkerson, nous avons donc besoin de vous pour retrouver ce criminel. D'autre part, vous êtes impliqué à cause du message de défi qu'il a laissé, vous serez donc sans doute le plus qualifié pour traiter avec lui si la situation le nécessite. Je dois pourtant vous prévenir que vous êtes sous le coup d'une assignation fédérale, aussi vous devrez me suivre dès la fin de cette enquête, est-ce bien clair inspecteur Ellison?"
Jim n'envisagea même pas de feindre l'étonnement. Il n'en avait pas le temps, et de toute façon il avait pris la décision d'affronter cette épreuve et non de fuir:
"Sinon vous vous attaquerez encore abusivement au capitaine Banks, c'est bien ça?" continua-t-il d'un ton sarcastique. Comme Mulder ne réagissait pas et continuait à le fixer gravement, Jim décidé de ne pas se lancer dans une discussion à ce sujet. Lui aussi savait que la priorité était de retrouver l'assassin en cavale. "Ne vous inquiétez pas, je ne vous causerai pas de problèmes, mais nous verrons cela plus tard. J'ai une recherche à commencer."
"Elle est déjà commencée." L'interrompit Simon. "J'ai mis Brown, Rafe et Conner sur le coup. Nous ne devons pas laisser le temps aux journalistes de médire à nouveau sur l'efficacité de la police."
"Très bien, allons-y alors." Simon et l'agent remontèrent dans leur véhicule pendant que les deux autres allaient chercher leurs quelques affaires dans la cabane.
"Jim, il va falloir faire très attention, ce gars du FBI va nous suivre partout et nous ne savons toujours pas ce qu'il te veut. Il aurait d'ailleurs dû te le dire, non?"
"Apparemment cette affaire est reportée à plus tard, ça ne doit donc pas être si important… Enfin, nous verrons bien."
Blair ne répondit pas et s'installa sur le siège du passager. Jim démarra et les deux voitures commencèrent leur descente vers la ville. Il décida de ne pas s'étonner du silence habituel de son ami: après tout, ils étaient dans une situation assez critique. Beaucoup de gens avaient percé leur secret, mais jamais cela n'était remonté si haut, et Blair se demandait sans doute ce qui lui arriverait à présent. Ce qui leur arriverait. Oui, il s'inquiétait à coup sûr bien plus pour son ami que pour lui-même. Jim eut envie de le rassurer et de lui conseiller de faire comme lui, se concentrer sur le problème présent. Il tourna la tête vers Sandburg pour le lui dire, mais en le regardant il eut une sensation très étrange: bien qu'il ne fut qu'à quelques centimètres, il avait l'impression que son ami était en réalité très loin de lui, et qu'il n'arriverait pas à lui parler car il n'était pas réellement là.
Blair s'aperçut rapidement que quelque chose clochait. Il vit sa sentinelle dans un état de zone-out et immédiatement se mit à claquer des doigts devant son visage en l'appelant.
"Hey, Jim, concentre-toi plutôt sur la route, tu vas nous faire avoir un accident!"
Jim réalisa soudain que c'était vrai et effaça ses sensations étranges en quelques clignements des yeux.
"Mais enfin, Jim, qu'est-ce qui t'est arrivé?" lui demanda son guide, inquiet.
"Et bien… c'est très étrange… je ne sais pas trop comment expliquer ça…"
"Raconte-moi calmement tout ce que tu as vu ou ressenti, mais surtout essaie de ne pas envoyer la voiture dans le décor, ok? Je te rappelle que cette caisse n'est pas un de tes engins que tu as l'habitude de détruire régulièrement, c'est la voiture de ma copine!"
"T'inquiète pas…" la dernière phrase lui avait redonné le sourire, mais il redevint sérieux rapidement. "Ce qui vient de m'arriver à l'instant n'est pas la seule chose que je doive te raconter. Il y a aussi ces… rêves que je fais."
"Des rêves? Tu veux dire, des rêves prémonitoires? Ou des visions mystiques? Endormi ou éveillé? Depuis quand ça t'arrive, pourquoi tu ne m'en as pas encore parlé? Qu'est-ce que tu y vois? Où est-ce que j'ai mis mon carnet, il faut que je prenne des notes…"
"Oh là, oh là, du calme grand chef! Je n'avais pas encore pu t'en parler à cause de tout ce qui nous arrive, et c'est peut-être lié d'ailleurs."
Il n'eut pas le temps de s'expliquer davantage car son téléphone se mit à sonner. Blair interrompit les recherches de son carnet au fond de son sac pour essayer de suivre la conversation. "A peine revient-on à la civilisation que ses inventions nous agressent" maugréa-t-il.
"Ellison." Fit Jim dès qu'il eut décroché.
"Jim, c'est Simon. Brown vient de m'appeler, on va tout de suite à l'hôpital de Cascade."
"Quoi? Mais que s'est-il passé?"
Jim entendit son correspondant prendre sa respiration et pousser un grand soupir. La nouvelle devait être difficile à annoncer. Il aurait aimé que Simon soit en face de lui mais il ne pouvait pas le regarder dans les yeux puisqu'il était dans l'autre voiture.
"C'est Megan" finit par annoncer le capitaine. "Je n'ai pas encore de détails, mais il semblerait qu'elle soit très gravement blessée. Brown et Rafe sont à l'hôpital pour attendre des nouvelles et ils m'ont prévenu dès que la communication a pu être établie. Je vais aller les rejoindre."
"On t'accompagne, évidemment. Tu ne sais pas comment c'est arrivé ou comment elle va?"
"Non, je ne sais rien de plus. A plus tard." Et il coupa la conversation. Jim commençait à peine à reposer son portable que Blair l'assaillit de questions: "Qu'est-ce qui se passe, Jim, ça a l'air grave… de qui parliez-vous?"
Encore sous le choc, Ellison ne savait pas s'il éprouvait de l'angoisse pour sa collègue ou de la colère de n'avoir pas été là.
"C'est Megan. Elle a pris ma place pour rechercher mon prisonnier et maintenant elle est gravement blessée et à l'hôpital." Il serrait le volant un peu trop fort et accélérait pour arriver au plus tôt. La voiture qui les précédait prit également de la vitesse, sans doute sur la demande de Simon. Blair mit un moment à réaliser ce qu'il venait d'apprendre: "Est-ce que c'est vraiment… grave?"
"Je n'en sais rien."
"Non. Je suis sûr qu'il n'y a pas à s'inquiéter… Megan est très forte, elle peut se sortir de toutes les situations…" Blair comprit seulement à cet instant là ce qui mettait son ami dans une telle colère: "Ce n'est pas ta faute, Jim. Rien ne dit que son accident a quelque chose à voir avec le travail, et de toute façon, il ne s'agit plus de notre enquête sur un meurtrier mais d'une poursuite de prisonnier évadé, elle en aurait été chargée même si tu avais été là!"
"Peut-être, mais j'aurais été là justement. Et peut-être ne serait-elle pas blessée à l'heure qu'il est."
"Tu n'en sais rien! Ce n'est pas la peine de t'en vouloir alors que tu ne sais même pas ce qui s'est passé! Essaie plutôt de penser à Megan, elle va avoir besoin de notre soutien, pas de culpabilité."
Jim ne répondit pas. Ils étaient arrivés et il se gara juste à côté de la voiture du FBI. Simon se dirigeait déjà vers la porte d'entrée. Tous les deux le suivirent le plus rapidement possible, pendant que l'agent Mulder restait adossé à sa voiture. Il semblait en grande conversation au téléphone, mais Jim avait autre chose en tête que de penser à espionner celui qui voulait l'arrêter.
Ils étaient à présent dans le hall d'accueil des urgences de Cascade. Un endroit qu'ils connaissaient tous très bien. Trop bien. Combien de fois était-il venu ici prendre des nouvelles d'un camarade blessé en service? Combien de fois s'était-il agi d'un de ses amis, et de son meilleur ami Blair qu'il entraînait dans des situations dangereuses? Aujourd'hui, c'était Megan qui était entre les mains des docteurs, et il voulait savoir comment elle allait. Brown et Rafe étaient en train de remercier un médecin qui repartit vers les salles d'opération, ils venaient donc certainement d'avoir des nouvelles. Jim, Blair et Simon marchèrent dans leur direction, mais ils étaient extrêmement inquiets quand ils virent Rafe mettre une main sur ses yeux et baisser la tête tandis que Brown lui passait un bras autour des épaules en disant: "ça va aller, je suis sûr qu'elle va s'en sortir, je suis sûr qu'elle va s'en sortir…"
Les trois nouveaux arrivants les entourèrent aussitôt. Pendant que Blair s'approcha de Rafe qui semblait le plus touché et posa une main sur son bras pour essayer de le consoler, Simon demanda des explications.
"Je vais tout vous raconter, capitaine, mais je pense qu'il vaudrait mieux aller s'asseoir d'abord." Et en disant cela, il commença à entraîner le groupe vers la salle d'attente. Jim demanda rapidement: "On ne peut pas aller la voir, plutôt?"
Rafe qui arrivait peu à peu à se reprendre lui répondit:
"Les médecins doivent encore s'occuper d'elle, mais ils nous préviendront dès qu'ils auront terminé. On a encore quelques heures à attendre."
Ils s'installèrent tous dans la salle d'attente, Jim remarquant mentalement qu'il en avait déjà essayé tous les sièges, et les deux policiers commencèrent leur récit.
Quand Simon avait été informé de l'évasion, il avait décidé de mettre sa meilleure équipe sur le coup, et en l'absence de Jim et Blair il s'agissait de Brown et Rafe. Mais Megan qui était présente au poste au même moment était venue le voir pour protester de se voir écartée, et comme il refusait de la laisser travailler en solo sur une enquête qui pouvait se révéler dangereuse, il lui avait permis de rejoindre les deux autres inspecteurs qui étaient déjà partis au domicile de Fulkerson. Bien évidemment, l'Australienne n'en avait fait qu'à sa tête et avait pensé que partir tout de suite sur une autre piste multiplierait leurs chances de retrouver leur homme. Des barrages routiers et une surveillance aux gares et aéroport de la ville étant déjà en place, la police envisageait que l'évadé se trouvait encore en ville. Sa disparition avait en effet été signalée presque aussitôt, puisque des gardiens étaient passés devant sa cellule à quelques minutes d'intervalle, et que la deuxième fois il n'y était plus. Avant de savoir comment cela était possible - sans doute à l'aide d'une complicité intérieure, pensait-on, mais même cette théorie laissait beaucoup d'inconnues dans la réalisation de cette grande évasion - il importait de rattraper au plus vite l'assassin.
Brown et Rafe ne trouvèrent rien d'intéressant dans la grande propriété qu'occupait Fulkerson avant son arrestation. Ils décidèrent donc d'aller chercher du côté du seul autre endroit qu'ils savaient, par ce que Jim leur avait raconté au cours de son enquête, être fréquenté par le criminel. Il s'agissait d'un magasin, où l'on pouvait trouver à la fois des antiquités, des livres anciens dont Fulkerson semblait raffoler à en croire la taille de sa bibliothèque, mais aussi des objets plus hétéroclites destinés aux amateurs de voyance, de sorcellerie et de décorations morbides. Un environnement glauque que cet homme étrange semblait apprécier.
Lorsqu'ils arrivèrent sur les lieux, ils furent surpris, mais pas tant que ça en fait, de reconnaître la voiture de Conner rangée devant l'entrée. On était dimanche, aussi la boutique, dont l'enseigne représentait un vieux livre relié portant en lettres dorées sur la couverture le nom du magasin - librairie de la crypte -, était fermée et vide. Ils décidèrent d'aller voir s'il n'y avait pas une autre entrée à l'arrière, puisque apparemment Megan s'était chargée de l'entrée principale. Ils trouvèrent effectivement une porte de service donnant sur la cour arrière, et furent tout de suite alarmés par la fumée noire qui s'échappait sous la porte. Brown appela aussitôt les pompiers, tandis que Rafe composait le numéro de Conner. Celle-ci décrocha au bot de quelques sonneries mais ne dit rien. Rafe fut surpris, et cessa d'interpeller un correspondant muet pour écouter. Il crut reconnaître le bruit d'un crépitement de flammes et se mit à crier: "Elle est là, elle est là-dedans!"
Sans réfléchir plus longtemps, il détruisit la serrure de la porte d'un coup de revolver, et malgré les avertissements de son coéquipier qui lui conseillait d'attendre l'intervention des pompiers dont ils entendaient déjà les sirènes dans la rue principale, il ouvrit la porte en grand. L'air frais raviva les flammes qui dévoraient la pièce et il fut obligé de reculer. Dans le même temps, les pompiers qui étaient passés par l'entrée principale avaient réussi à ouvrir la porte intérieure conduisant à la pièce incendiée et commençaient à projeter la mousse carbonique qui recouvrait peu à peu le feu.
Soudain, Brown vit Rafe se ruer dans les flammes. Il avait aperçu une forme allongée au sol. Brown essayait de rappeler son ami dont il ne distinguait déjà plus que la silhouette à travers les flammes, quand il fut rejoint par quelques-uns des pompiers qui avaient fait le tour du bâtiment afin d'attaquer le foyer par deux endroits à la fois. "Il y a quelqu'un à l'intérieur! Deux personnes! Il faut aller les chercher tout de suite!" leur dit-il sans même s'apercevoir qu'il criait.
Dans la fournaise, Rafe n'arrivait pas à avancer. Il toussait et la fumée lui irritait les yeux, mais c'était surtout la vue de Conner, allongée inconsciente face contre terre qui lui était insupportable. Elle était entourée de murs de flammes, et ses vêtements étaient aussi en feu. Dans sa main droite, elle tenait encore son téléphone portable. Elle avait dû perdre conscience peu de temps après avoir décroché, à cause de toute la fumée qu'elle avait respiré. Lorsqu'il vit les cheveux bouclés de son amie commencer à s'enflammer, Rafe crut devenir fou de ne pas pouvoir avancer vers elle pour l'aider. Après tout, il valait peut-être mieux pour elle qu'elle soit inconsciente…
Il vit un homme en combinaison ignifugée passer à côté de lui et se diriger vers Megan, tandis que quelqu'un le tirait en arrière vers la sortie. Il se retrouva à nouveau dans la petite cour. La jeune femme qui l'avait aidé à sortir souleva son masque pour lui demander si tout allait bien. Le temps de respirer quelques goulées d'air frais et de se débarrasser de son imperméable qui sentait le roussi, il la rassura, et elle retourna aider son collègue qui sortait de l'immeuble, portant dans ses bras un corps protégé d'une couverture résistante au feu. Brown lança un regard inquiet et interrogateur à son partenaire, n'osant pas formuler sa question. "C'est Megan. Oh mon dieu, c'est Megan. Ses cheveux brûlaient…", Rafe n'arrivait pas à dire autre chose.
Horrifié, Brown prévint immédiatement le central, puis il courut vers les ambulanciers qui, par chance, étaient arrivés en un temps record. Ceux-ci ne voulurent rien lui dire sur l'état de la victime et refusèrent de laisser quiconque les accompagner à bord de l'ambulance. Il pensa alors prévenir les amis les plus proches de Megan, puisqu'elle n'avait pas de famille en Amérique. Mais ni Jim, ni Simon, ni Blair ne répondaient. Il décida de réessayer régulièrement de les joindre.
Brown et Rafe se rendirent alors à l'hôpital où ils attendirent plus d'une heure avant que quelqu'un ne vienne les informer, peu avant l'arrivée des trois autres. Brûlures au troisième degré sur plus de 70% du corps, brûlure des poumons par la fumée. Il était possible qu'elle s'en sorte, mais les séquelles seraient irréversibles.
Dans la salle d'attente, c'était le silence. Tout le monde était sous le choc. C'était Megan, la jeune femme pleine de vie qui était devenue leur amie, qui était dans un état critique et risquait de mourir. Ils restèrent là pendant un temps qui leur parut infini. Jim serrait les poings en essayant d'écouter ce qui se passait dans l'hôpital dont l'accès leur était refusé, mais il ne parvenait pas à trouver Megan parmi tous les docteurs et patients qu'il entendait. Blair était assis à côté de lui, il avait remonté les genoux sous son menton, les entourant de ses bras, et fermait les yeux. On pourrait croire qu'il dormait ou essayait de réfléchir, mais Jim savait qu'il essayait surtout de retenir ses larmes. Il était devenu très proche de Megan et était mort d'angoisse à son sujet. Brown était sorti, il avait besoin de s'occuper et avait décidé de prendre à sa charge de rechercher et prévenir la famille Conner en Australie. Rafe ne cessait de passer ses mains sur ses paupières fermées, comme pour effacer l'image qu'il avait constamment devant les yeux de Megan en train de brûler derrière un mur de flammes infranchissable. Quant à Simon, il ne cessait de faire des allers-retours, vers le bureau d'accueil pour demander à rencontrer des docteurs au courant de l'état de son inspectrice favorite, et vers le parking pour griller des cigares qu'il ne savourait pas mais qui étaient censés le calmer.
Plusieurs heures s'écoulèrent ainsi avant que le médecin qui avait déjà parlé à Rafe et Brown ne vienne les voir. Ils avaient fait tout leu possible, et la vie de Megan était sauvée. Mais elle devait encore rester sous respirateur à cause de la fragilité de ses poumons, et il fallait attendre plusieurs semaines avant qu'on ne puisse tenter des greffes de peau. Mais même après, elle ne retrouverait jamais les mêmes capacités et garderait des cicatrices. Ils avaient le droit d'aller la voir mais devaient être très diplomates avec elle, et ne rester que quelques minutes.
L'élite de la police de Cascade se retrouva donc dans une petite chambre d'hôpital, et personne ne savait que faire ou que dire devant le spectacle qui s'offrait à eux. Sous un drap blanc était allongée une momie, les bandages ne laissant apparaître que des paupières rougies et fermées, et une bouche aux lèvres craquelées sous un masque de plastique transparent. Un tube reliait son bras à une poche de liquide suspendue au-dessus, qui d'après le médecin contenait de la morphine pour l'aider à supporter la douleur. Blair réagit le premier et s'approcha du lit, se retenant 'essayer de prendre la main de la jeune femme pour ne pas la faire souffrir inutilement: "Megan…" commença-t-il doucement.
"Allez-vous-en. Je ne veux voir personne!" Sa voix était ferme, bien qu'étouffée par la présence du masque et le fait que bouger ses lèvres était encore douloureux.